Le Suiveur

Evangile de Mathieu

Chapitre 1. Le capitaine et son équipe d’improbables. Matthieu 1.

J’ai de très mauvais souvenirs du sport en équipe. Le système selon lequel les meilleurs

joueurs étaient choisis en premier et les moins bons en dernier m’a laissé un goût aussi

désagréable que tenace. Les derniers à être appelés avaient le tort d’avoir de l’embonpoint,

de manquer de coordination ou un manque total d’intérêt, mais ils ne pouvaient néanmoins

s’empêcher d’espérer qu’ils ne seraient pas les tout derniers à être choisis par les capitaines

d’équipe. J’appartenais à cette catégorie, et ces souvenirs me pèsent encore des décennies

plus tard. Mais au fait, l’équipe du plus grand héro de tous les temps annoncé dans le

premier chapitre de Matthieu, celle de ce Jésus qui nous sortirait du bourbier dans lequel

nous nous débattions, comptait, elle aussi, quelques paniers percés notoires.

Matthieu écrivait à un public essentiellement juif ; cette liste était donc d’autant plus

intéressante pour eux. En hébreu, le nombre quarante-deux est synonyme de nouveauté.

Ses lecteurs l’auraient appris en lisant le livre de Daniel, et effectivement, c’était nouveau.

Les quarante-deux générations énumérées comptent quelques-uns des plus grands

personnages de l’histoire. Abraham, Isaac et Jacob, les pères de notre foi. Boaz, un vrai

gentleman toute catégorie confondue. David, le meilleur roi qu’ils aient jamais eus et par la

lignée duquel le messie leur avait été promis. Suivirent une ribambelle de rois, certains

grands, d’autres moins, puis Zorobabel, qui conduisit le premier groupe de Juifs à leur retour

de captivité. Si vous aviez choisi le capitaine d’une équipe, les cinq femmes mentionnées ici

auraient été laissées pour compte et n’auraient probablement pas été sélectionnées du tout.

Que l’arrière-arrière-grand-mère du puissant roi et tendre psalmiste David ait été une

prostituée étrangère, voilà qui dépasse l’entendement, d’autant plus dans une tradition où

l’ascendance primait sur tout le reste.

Mais Dieu pense autrement : elles sont présentées comme tout autant partie intégrante de la

lignée des ancêtres que n’importe quelle autre.

Mais avant d’aborder les joueurs de l’équipe de cette généalogie, voyons qui en est le

capitaine. Ce n’est que justice puisque c’est à lui qu’incombe la responsabilité de choisir

l’équipe (v. 21).

Le capitaine de l’équipe

Ces versets donnent une indication complète sur son identité. De nos jours, le nom de

Jésus est rare, en tout cas en dehors du monde hispanophone et lusophone. L’un des

meilleurs joueurs de la Premier League anglaise s’appelle Gabriel Jesus et je me souviens

encore du titre du journal lorsqu’il jouait pour Manchester City : « Jésus sauve City » (et ce

n’est pas la première fois !).

Voyons ce que dit de lui Matthieu, l’un de ses disciples, qui était collecteur d’impôts pour les

forces d’occupation et qui a été transformé par ce « capitaine d’équipe » :

  •  Le Christ. Les versets 1 et 17 le présentent comme le « Messie » ou, comme nous

l’appelons aujourd’hui, le « Christ ». Le Christ signifie littéralement « l’oint ». Les gens

étaient oints pour un travail. Le roi Charles a reçu l’onction pour sa fonction, pour

accomplir le travail d’un roi. Jésus était l’oint, dont parlaient les anciennes prophéties,

pour délivrer son peuple de ses problèmes et de sa détresse et le conduire vers une

nouvelle ère de triomphe et de prospérité. Pas étonnant donc qu’un peuple soumis à

l’occupation étrangère d’une puissance païenne nourrisse de telles aspirations.

  •  « Pleinement Dieu » et « pleinement humain ». Il a été envoyé par son Père pour

naître d’une mère humaine. Le verset 20 indique clairement qu’il ne s’agissait pas

d’un être humain ordinaire, mais de la naissance de cet incroyable paradoxe :

« pleinement Dieu » et « pleinement homme ». La Bible ne s’excuse pas de cette

vérité et je ne vais pas essayer de la justifier. Il s’agit de l’un des plus anciens credo

de l’Église (le credo d’Athanase, 4 e siècle après J.-C.) et il est donc évidemment

difficile de s’y retrouver, mais néanmoins merveilleux d’en profiter.

Ma mère était allemande, j’ai donc le droit de détenir un passeport allemand. Mon

père était britannique, j’ai donc également le droit de détenir ce passeport. Les deux

sont valables et véridiques. Il se trouve que je vis en France et que je pourrais

également demander la nationalité française. Jésus avait le droit d’être appelé « fils

de Dieu » et « fils de l’homme. Matthieu ne semble pas du tout inquiet à ce sujet, et

nous ne devrions pas l’être non plus.

  •  Sauveur. Jésus signifie « sauveur ». Le verset 21 explique clairement pourquoi il

devait être appelé ainsi. Le peuple d’Israël, y compris ses disciples jusqu’à son retour

(Actes 1:6), était persuadé qu’il s’agissait d’un salut politique, d’une restauration

d’Israël à son ancienne gloire sous le règne du roi David. À première vue,

l’expression « sauver son peuple de ses péchés » peut sembler une échappatoire,

une déception pour un peuple qui aspire à se libérer de Rome. Cependant, Dieu

savait, comme nous le découvrons tous, que le péché est la véritable racine de nos

problèmes. Cela n’a pas grand-chose à voir avec le pouvoir en place. Jésus est celui

qui brisera le pouvoir de ce problème fondamental pour l’humanité une fois pour

toutes. Il est notre Jésus ! Notre sauveur ! Avec lui, tu peux passer ta vie dans la

situation la plus horrible et être plus libre que celui qui a tout.

  •  Dieu avec nous. Il reçoit le nom d’Emmanuel, qui signifie « Dieu avec nous » (V 23).

Après avoir été un Dieu dans les cieux, Jésus annonce l’ère de « Dieu avec nous ».

C’est une expérience passionnante. Son adresse est maintenant de « vivre avec

cette drôle d’équipe ». Par son Esprit Saint, c’est vrai aujourd’hui, comme lorsque

Matthieu parle de sa naissance, et ce sera toujours vrai. Notre adresse est

maintenant « vivre avec Dieu ».

C’est ce qui était prévu depuis le début. Lorsque Dieu a dit au serpent dans le jardin

d’Eden : « Il t’écrasera la tête et tu lui frapperas le talon » (Gn 3,15), il a clairement indiqué

qu’il existait déjà un plan de salut pour nous.

Il est salutaire de lui faire confiance en ce sens. Jésus n’était pas un expédient pour Dieu de

tenter de sauver quelque chose du gâchis que nous avions commis, il a toujours été celui qui

venait chercher son peuple. Pour payer afin de nous sortir de notre situation désespérée,

bien sûr, mais bien plus encore. Nous avons été appelés à être un peuple pour sa louange,

jusqu’à l’expression ultime de l’unité avec lui (1 P 2,9).

Mais qui appelle-t-il ?

Son équipe

La liste des noms contient quelques indices. Y figurent les prestigieux pères de notre foi, les

figures importantes de la lignée, les grands rois, les héros qui ont contribué à restaurer la

fortune du pays (Zorobabel). Également, quelques rois que nous serions réticents de

mentionner s’ils étaient nos ancêtres. Enfin, on y trouve beaucoup de noms dont nous

n’avons jamais entendu parler, un peu comme le générique de fin d’un film. Mon neveu

figure au générique du dernier film d’Indiana Jones pour avoir participé à la construction des

décors. Malheureusement, à part sa mère qui a poussé un cri de joie en le voyant, et son

père avec une larme de fierté dans l’œil, personne d’autre ne l’aura remarqué.

Nous n’avons pas encore mentionné un autre groupe : l’étrange inclusion des femmes. Il

s’agit de :

a) Tamar. Cette femme eut une étrange rencontre avec son beau-père, qui pensait avoir

des relations sexuelles avec une prostituée, mais qui s’avéra être en fait avec la

femme de son fils décédé. Sa descendance forme la lignée principale de la tribu de

Juda, dont Jésus est issu (v. 3 ; Gn 38).

b) Rahab. Prostituée étrangère, arrière-arrière-grand-mère du roi David (v. 5 ; Josué 6).

c) Ruth. Étrangère et veuve, arrière-grand-mère du roi David (v. 5 ; Ruth).

d) Bethsabée. Femme impliquée dans une liaison adultère qui aboutit au meurtre de

son mari par le grand roi David. (v6 ; 2 Sam 11).

e) Marie. Une grossesse d’adolescente ; elle faillit être abandonnée par un fiancé

offensé, jusqu’à ce que Dieu s’en mêle. (Mt 1 - bien que nous puissions dire que

c’était clairement l’œuvre de Dieu, beaucoup ne l’auraient pas crue à l’époque).

Eyuucck ! Pourrions-nous mettre un peu d’ordre là-dedans, s’il vous plaît ?

Tout d’abord, il s’agissait de femmes, ce qui, à l’époque, n’était pas conforme à la manière

dont s’établissaient les lignées juridiquement. Non seulement ce sont des femmes, mais

elles ont toutes été impliquées dans un scandale ou ont été déshonorées.

N’oublions pas oublier qu’à cette époque, tout était de la faute des femmes. Elles étaient

des boucs émissaires commodes pour expédier les problèmes et, malheureusement, elles le

sont restées. Ici, elles sont honorées comme étant directement responsables de la

naissance de Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant.

Et ainsi....

C’est la première indication, dans ce qu’on appelle le Nouveau Testament, d’un type différent

de leader. Il n’a pas cherché les meilleurs aux yeux du monde, mais tous ceux qui croiraient.

Non pas ceux qui sont les plus célèbres, les plus intelligents ou les plus compétents, mais

tous ceux qui invoquent son nom et le suivent.

Et, heureusement, vous et moi en faisons partie.